Nous ne sommes pas assez attentifs aux parentés des mots. Vous l’avez déjà compris (ou le savez), humain, humus et humilité ont la même étymologie, la terre au sens de sol.
L’humilité, c’est en réalité assez simplement se reconnaître terrestre, partie prenante du vivant.
Humain, humus, humilité. Si on y réfléchit, c’est le contour, l’horizon du développement durable, l’antidote à l’hubris.
Cette idée doit être absolument insupportable aux transhumanistes qui veulent de toute urgence nous sortir de cette matérialité… humiliante. Pour eux l’humain (au moins son intelligence, la seule chose qui compte pour eux) pourrait être transféré sur des « supports » différents que ces corps issus de la glèbe.
L’Humus, pour faire simple, c’est la fine couche de vie sur laquelle tout pousse. Des minéraux, du carbone, de l’eau et plein de Vie, d'acides fulviques et humiques nécessaires à toute forme de vie, c’est ça l’Humus.
Avez-vous remarqué comment, ces derniers mois, tout le monde parle de nos sols en général et des sols agricoles en particulier ? Ce n’est pas étonnant car c’est réellement sur ce point là que va se jouer notre destin commun.
Alors je vous propose quelques éléments de compréhension.
Le sol est vivant !
Le sol est un ventre !
Le sol est même un gros mangeur et son plat favori c’est le carbone.
Ce carbone dont sont faits les plantes et bien sûr les arbres.
Du soleil, un peu d’eau, beaucoup de CO2 et hop ça pousse tout seul.
C’est la photosynthèse, on l’a tous appris à l’école, le moteur hyper efficace du Vivant. Comme dit Alain Canet, le chantre de l’agro foresterie : « les arbres c’est formidable, ça fait tout avec presque rien ».
On pourrait donc penser que ce sont les sols qui fabriquent les végétaux mais en fait, ce n’est pas plus le sol qui fait la plante que la plante qui fait le sol. Pas de sol, pas de plante, certes, mais… pas de plante, pas de sol… ça s’appelle un désert.
La vie des sols et la vie des plantes seraient donc la même chose : le couple sol-plante est tellement symbiotique qu’il y a des endroits où l’on ne sait même pas les distinguer l’un de l’autre. Ce sont les champs mycorhyziens dont parle si bien Marc-André Selosse dans son livre Jamais seuls paru chez Actes Sud. Lisez le, c’est fascinant.
Grandir – mourir – pourrir – nourrir : tel est le destin des plantes (et le notre aussi d’ailleurs). Tout ça pour créer, en permanence, plein de vie partout et à tous les étages.
Voire même plus, la majeure partie du Vivant sur Terre est en fait sous Terre. Les vers de terre à eux seuls pèsent plus lourd que tous les êtres vivants de la surface réunis, nous inclus.
La bonne nouvelle, c’est qu’après tous ces millénaires d’agriculture et, il faut bien le dire de production de désert, nous, les Sapiens, réalisons enfin que le moteur réel de la fertilité c’est le Vivant, à savoir la Biodiversité.
En fait, c’est la diversité et la quantité des champignons, des bactéries, des larves, des insectes et bien sûr des vers de Terre qui garantit le dynamisme et la résilience de notre seul outil de production : les sols.
Si nous voulons plus d’oiseaux, de chauves souris, d’abeilles dans le ciel, il nous faut plus de vie dans le sol, c’est aussi simple que ça.
Et bien, et c’est ça la bonne nouvelle, partout dans le monde aujourd’hui et à toutes les échelles et dans tous les types d’agricultures, on voit paraître cette dynamique de la régénération. Nous sommes en train de comprendre qu’il n’y a en fait que deux types d’agricultures : celle qui détruit la biodiversité et celle qui en produit.
Et l’agriculture bio n’échappe pas à la règle. Elle va converger avec toutes les autres formes d’agriculture vers cet objectif ultime : produire le plus de vie possible au mètre carré. Dans le cas de la bio, on s’est d’abord débarrassé le plus possible des intrants chimiques et c’est très important. Il lui reste maintenant un énorme boulot à faire sur le labour et le travail du sol en général. Ça ne servirait pas à grand-chose d’éliminer la chimie si c’est pour continuer à fabriquer du désert .
Avez-vous remarqué pendant vos vacances la couleur « café au lait » de nos rivières ? Ce sont nos sols qui partent aussi à la plage, mais eux ne reviendront pas… A propos de café au lait, vous voyez le croissant fertile en Mésopotamie, où notre agriculture est née ? Il est devenu stérile bien avant l’invention de la chimie du pétrole.
Il semble bien que ce changement soit corrélé à l’augmentation du taux de CO2 dans l’atmosphère. Alors… quelle autre outil à l’échelle planétaire avons-nous que nos 5 milliards d’hectares de surface agricole pour capter et séquestrer durablement le plus de carbone possible ? Aucun…
C’est donc à l’agriculture que revient cette tâche colossale. Et c’est dans ses cordes !
A condition de le faire AVEC le Vivant et non plus CONTRE lui. Et il semble de plus en plus évident que c’est de notre capacité à produire de la biodiversité partout que dépend notre avenir.
De plus, on commence à voir paraître des études très intéressantes qui nous montrent que plus il y a de plantes et d’arbres quelque part et plus il y a de pluie. Il semble que c’est le végétal qui appelle l’eau. A l’inverse, moins il y a de végétal et… moins il pleut. Alors on comprend mieux la mécanique implacable de la formation des déserts
Et on comprend aussi que c’est réversible… Bonne nouvelle non ?